Rude Awakening

Rediffusion de la troisième saison des facéties de la belle, destroy et désopilante Sherilyn Fenn, héroïne épique de Rude Awakening.

Restituer l’alcoolisme en images est un exercice de style périlleux. Parangon du genre: Le Feu Follet adapté de l’œuvre de Drieu la Rochelle par Louis Malle. Fantôme branlant, Maurice Ronet y incarnait avec une justesse stupéfiante un être néantisé par la dépendance éthylique. Mais c’était Maurice Ronet, c’était Louis Malle, c’était Drieu, c’était du cinéma … A la télévision, bien que Sue Ellen et les deux cinglées d’Ab Fab aient excellé chacune à leur manière dans ce rôle délicat, la représentation de l’alcoolique s’avère globalement caricaturale.

On se souvient par exemple d’un épisode de Beverly Hills où Dylan, chemise repassée par maman et regard de braise, prétendait se déchirer la tronche avec quatre échantillons de vodka trouvés dans un mini-bar. Pitoyable. Mais ce n’était que Beverly Hills, ce n’était que Dylan…

Billy Frank, héroïne de Rude Awakening, dont Canal Jimmy diffuse la troisième saison, elle, laisse songeur. D’un côté, elle s’enfile plus que jamais des litres de whisky, s’explose les narines à la coke, se viande dans les escaliers, se réveille un matin sur deux au pieu avec un thon rencontré la veille dans quelque rade poisseux, a perdu son boulot, et son studio ressemble à une caisse de consignation privée tant les cadavres de bouteilles s’accumulent. De l’autre, Billy reste ravissante, habillée comme une minette, arbore un teint de pêche irréprochable et fait tomber les hommes comme des mouches. Du pathos à la comédie, il n’y a pas loin. Cette ambivalence tient en deux explications. Claudia Lonow, la créatrice de Rude Awakening, connaît bien le sujet puisqu’elle s’est inspirée de sa propre expérience d’ancienne alcoolique. Mais elle a choisi Sherilyn Fenn pour interpréter le personnage de Billy. A savoir, la bombe brune qui jouait Audrey Home dans Twin Peaks. On a donc beau lui coller de grosses taches de vin sur le chemisier ou faire dégouliner son rimmel, rien à faire. Au pire elle est canon, au mieux elle nous fait hurler de rire.

D’ailleurs, à ce propos, que devient Sherilyn Fenn ? Etrangement, à l’instar de Billy Frank, ex-actrice de soaps tombée dans l’anonymat, l’actrice semble avoir disparu de la circulation. Malgré sa très prometteuse expérience lynchienne, elle n’a guère fait que quelques apparitions cathodiques dans Friends ou Law & Drder. Dommage. Cette parenthèse refermée, l’équilibre instable tragi-comique qui définit Rude Awakening est paradoxalement la clé de son succès. N’est-il pas férocement cynique de raconter la vie d’une Vénus capable de tuer père et mère pour quelques bières? Dans la troisième saison, Billy se retrouve sans le sou. Ses charmes ne suffisent plus à amadouer son ex et sa mère, lassés de vider leur compte en banque pour financer son vice, lassés tout court. Seul Marcus, nouvel arrivant hébergé chez Frank après s’être fait jeté par sa femme, tente de lui apporter son soutien. Le pauvre, il ne sait pas ce qui l’attend. A moins que…