La partie de chasse

La partie de chasseIl y a de l’allégorie dans l’air… mais il y a du souffle dans cette allégorie ! L’Angleterre, à l’aube de la Première Guerre mondiale. L’aristocratie, complètement engluée dans son étiquette édouardienne (Edouard VII, 1841-1910), ne voit même pas que le monde change et qu’une ère nouvelle se pointe à l’horizon. Cette partie de chasse, avec ses rivalités d’orgueil, ce rabatteur victime des fusils de ses maîtres et cette hécatombe de canards font penser, bien sûr, à «La règle du jeu» de Jean Renoir. Mais Alan Bridges, peintre en pastel de l’Angleterre passéiste («La méprise» qui lui valut la Palme d’or au Festival de Cannes en 1973 ou «Le retour du soldat») sait tirer, de sa fresque, une profondeur et une intensité qui se mêlent à la frivolité apparente des comportements, pour nous offrir la plus vivante des leçons d’histoire contemporaine. Bridges, dans sa tentative de fixer sur pellicule une époque révolue, est aidé par des comédiens qui sont déjà, à eux seuls, des incarnations de ce passé James Mason et Sir John Gielgud, Edward Fox et Robert Hardy… ou encore Judi Bowker et Cheryl Campbell. Dans cette forêt automnale, ils sont séduisants comme des statues dont le temps écaille lentement le plâtre ! Un régal.

Le messager

Le messagerVoici un mets de très grande classe ! Durant l’été 1900, un jeune garçon de 13 ans, d’origine modeste, se retrouve dans la riche propriété d’une aristocratique famille pour passer l’été. Tout l’émerveille : le raffinement des comportements, la beauté des habits et des intérieurs, la richesse des tables dressées par une pléiade de domestiques, etc. Le jeune Léo est invité pour les vacances par le fils de la maison qui tombe malade et est obligé de rester au lit. Livré à lui-même dans ce monde d’adultes, il va s’attacher à la belle Marian, la fille de la maison, superbement incarnée par Julie Christie, et faciliter ses amours avec Ted le métayer (Alan Bates), en portant leurs lettres et en devenant le… messager entre les deux amants. Adaptant un roman où l’écrivain Leslie Pole Hartley dépeint une Angleterre typiquement victorienne, Losey et son scénariste Harold Pinter (un des plus grands dramaturges anglais qui travailla déjà avec lui sur des films comme «The servant» ou «Accident») ont raconté une histoire qui peut se lire à plusieurs degrés : le mélo socio-historique avec compromission par amour d’une grande dame avec un fermier… ou encore la dimension magique et mythique. Avec une géographie symbolique des lieux et des personnages faisant directement référence aux divinités grecques. Alors, Marian devient Aphrodite ; sa mère, Héra ; le métayer, Vulcain ; et le fiancé de Marian, le Dieu Mars… Il y a sans doute d’autres niveaux de lecture pour ce film, d’autres raisons d’y prendre son plaisir ! Devant cette œuvre belle à voir (la photo de Gerry Fisher est une apothéose) et flattant l’esprit, on comprend que le jury du Festival de Cannes 1971 lui ait attribué la Palme d’or.