Love

Il fallait tout le génie et toute la folie de Ken Russell pour adapter au cinéma un roman de D.H. Lawrence, l’auteur à scandale de « L’amant de Lady Chatterley ». Un auteur maudit pour un cinéaste qui ne l’est pas moins. Ce n’est en effet qu’en 1960 que les œuvres de Lawrence furent autorisées à la vente libre sur le sol britannique.., trente années après sa mort ! Ken Russell n’est pas tombé dans les pièges tendus par l’écrivain. Même si certains détracteurs le considèrent comme un produit bassement obscène à l’érotisme malsain, son film reste pourtant l’un des chefs-d’œuvre du cinéma de ces vingt dernières années. En effet, loin de suivre à la lettre les passages les plus croustillants du roman de Lawrence, Ken Russell s’est d’abord employé à leur donner un climat érotique, émotionnel, voire même politique. Surtout politique, car l’histoire se déroule dans l’Angleterre du début du siècle, dans un bassin minier. Quatre personnages vont s’affronter, s’aimer, se perdre, se déchirer dans cet enfer noir. Pas au fond des mines. Loin de là. Mais dans les luxueux manoirs et les vertes prairies des gros patrons d’industries. Deux hommes: deux amis. Gerald et Birkin. Deux femmes aussi : deux sœurs, Ursule et Gudrun. Gerald est le fils d’une riche famille, un jeune patron en puissance qui n’hésite pas à se salir les mains ou à trinquer dans les pubs avec ses ouvriers. Un patron à visage humain, mais tout de même prêt à sacrifier les privilèges sociaux des mineurs au seul nom du rendement ! Birkin est un homme plus sage, plus cultivé, plus simple aussi. Amoureux de la nature, passionné de sciences naturelles, il est l’ami de Gerald. Tous les deux tombent amoureux de deux sœurs. Ces deux femmes rapprocheront encore plus Gerald et Birkin, ce qui nous vaudra quelques superbes scènes en forme d’éloge à l’amitié virile. Et peut-être plus… Magnifique dissertation sur le comportement amoureux des êtres, sur l’influence de l’éducation, de la classe sociale et de la psychologie dans les rapports humains, »Love » est avant tout l’un des plus beaux films consacrés à la libération des mœurs. Et en prime des acteurs de premier ordre avec, en tête, Alun Bates, Oliver Reed et surtout Glenda Jackson. A voir et revoir avec amour.